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Le 7 Octobre 2024 marque le premier anniversaire du déclenchement des hostilités avec l’attaque d’une région d’Israël par le mouvement palestinien Hamas. Comme il fallait s’y attendre, la riposte de l’Etat hébreux a été prompte et ferme. Avec la puissance militaire du Tsahal, on croyait que les représailles allaient prendre fin en quelques jours. Un an vient de passer sans que personne ne soit en mesure de dire ou prévoir la fin des hostilités qui s’intensifient en impliquant d’autres pays comme le Liban et l’Iran. Que faire pour désescalader cette tension qui est de nature à menacer la paix dans le monde ?
Du 7 Octobre 2023 à ce jour, les victimes de cette guerre s’élèvent du côté palestinien à 41825 morts selon l’évaluation du ministère de la santé du Hamas, et du côté israélien, 1250 morts et otages conformément aux statistiques du Mossad. Provisoires, ces chiffres sont appelés à évoluer.
Les récentes frappes israéliennes au Liban ont fait des centaines de victimes dont de nombreux civils. Ces attaques par plusieurs bombes de deux tonnes chacune, capables comme cela a été le cas, de briser les bunkers du sous-sol, visent principalement les bastions du Hezbollah. D’une intensité sans précédent, ces offensives ont engendré à la date du 4 Octobre 2024 un bilan humain lourd : 595 morts dont 50 enfants, plus d’un million de déplacés, sans compter la destruction de nombreuses infrastructures sociales, immobilières et militaires.
Attitudes amorphes et complices de la communauté internationale
Si l’on considère que la bande de Gaza n’est pas une entité étatique, ce qui permet à l’armée israélienne d’y faire des incursions intempestives et irrégulières, le Liban par contre est un pays souverain qu’on ne saurait attaquer sans violer le droit international.
Plus grave et incompréhensible, sont le silence coupable et l’inaction avérée de la communauté internationale, notamment les pays occidentaux qui, dans d’autres cas, ne se privent pas d’évoquer avec vigueur la violation du droit international, du droit humanitaire.
Tout se passe comme si la vie d’un israélien est plus chère et plus précieuse que celle d’un palestinien ou libanais. Cela se voit par le tollé général que suscite la mort au combat d’un israélien et le pseudo-silence ou dans le meilleur des cas, un léger regret que provoque la tuerie de dizaines ou milliers de palestiniens. On se contente très souvent de proclamer que Israël a le droit de se défendre. Pourtant la déclaration des droits de l’homme de 1948 à Paris, est dite universelle et non sélective. Elle devrait s’appliquer à toute l’humanité sans distinction.
Par principe, les Etats-Unis, en sa qualité de première démocratie, première puissance mondiale et grand défenseur des droits de l’homme dans le monde, veille scrupuleusement au respect de ces droits. Dans le cas du Moyen-Orient, l’action américaine n’est pas perceptible. Tout se passe comme si l’Etat hébreux est plus puissant que tous les pays de l’Occident qui le craignent au point de se garder de lui dire la vérité.
Il arrive même qu’Israël désobéisse aux Etats-Unis qui est pourtant son premier et grand soutien, son défenseur indéfectible, sans que la Maison Blanche ne réagisse comme il se doit. Le régime démocrate actuellement au pouvoir, fait beaucoup moins que ceux connus par le passé, ce qui laisse croire qu’il craint à un haut degré, le lobby Juif très puissant.
Or par le passé les présidents américains démocrates ont pris des initiatives louables pour la paix dans cette région. On se souvient du sommet du Camp David I en septembre 1978 organisé par le président Jimmy Carter et regroupant l’égyptien Anouar el-Sadate et le premier ministre israélien Menahem Begin.
Il en est de même du sommet du Camp David II en juillet 2000 avec la participation du premier ministre israélien Ehud Barak, le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat, sous la médiation du président américain Bill Clinton. Ces actions salutaires instaurant un dialogue entre les deux protagonistes, étaient des tentatives pour mettre un terme à ce conflit.
Avec le président Joe Biden, on n’a pas senti cet effort de négociations pour la paix. Le monde a plutôt assisté à un parti pris flagrant qui n’est pas de nature à désamorcer la situation conflictuelle. La visite qu’il a faite à Tel-Aviv et celles de son secrétaire d’Etat Anthony Blinken, n’ont servi qu’à soutenir la partie israélienne, pour se faire, sans doute, apprécier par le lobby juif américain.
Bien sûr, le président Biden a eu le courage d’évoquer à plusieurs reprises, la solution à deux Etats, ce qui lui vaut des félicitations. Mais face au rejet de la partie israélienne, il n’y a pas insisté et n’a entrepris aucune action pour imposer cette formule universellement admise et fortement soutenue par l’ONU depuis 1947, année de la création de l’Etat d’Israël par cette même organisation.
La gestion actuelle de ce dossier par Washington, rendrait la tâche difficile à la candidate démocrate Harris Kamala si elle était élue en Novembre prochain. Si par contre, c’est le candidat républicain Donald Trump qui recevait la confiance du peuple américain, sa politique trop favorable à l’Etat hébreux pendant son dernier mandat présidentiel, et qu’il compte poursuivre, n’arrangerait pas la situation qui risque de se compliquer davantage.
L’avenir s’annonce alors très inquiétante. Il s’avère donc necessaire et opportun que les pays arabes s’impliquent mieux que par le passé pour le règlement de ce conflit qui dure déjà 75 ans. Pourquoi ne pas constituer aussi un lobby fort comme celui des Juifs qui influence la politique moyen-orientale des Etats-Unis.
A ce sujet, Monsieur John Mearsheimer, expert en politique étrangère qualifie le lobby israélien comme << l’un des plus puissants sinon le plus puissant des Etats-Unis. Il fait des efforts considérables pour s’assurer que la politique étrangère américaine soutient Israël sans condition. Et il y parvient à merveille >>.
Réveil timide, tardif mais plein d’espoir du monde arabe et musulman
A l’occasion de la 79ème session ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations-Unies de 2024 en cours, le ministre saoudien des Affaires Etrangères, faisant allusion aux massacres attribués à l’armée israélienne à Gaza et au Liban, a fait une déclaration intéressante, à savoir que << l’autodéfense ne peut justifier le meurtre de dizaines de milliers de personnes >>.
Le 03 Octobre 2024, dans un discours télévisé, le prince héritier, Mohammed Ben Salmane a déclaré que : << Le royaume saoudien ne cessera pas son travail inlassable en vue de l’établissement d’un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale. Nous affirmons que le royaume n’établira pas de relations diplomatiques avec Israël sans cela >>. Claire et nette, cette déclaration se passe de commentaires.
Quant à son homologue jordanien, il a souligné avec fermeté que << si Israël acceptait la création de l’Etat palestinien, le monde arabe s’engagerait alors à assurer sa sécurité >>.
De leur côté, l’Egypte, l’Irak et la Jordanie ont fait un front commun pour dénoncer à travers un communiqué en date du 02 Octobre 2024, ce qu’ils considèrent comme une << agression israélienne >> contre le Liban. Ils accusent Israël de << pousser la région vers une guerre ouverte >>. Cette déclaration conjointe d’une rare virulence traduit l’inquiétude, voire l’indignation grandissante des pays arabes face à l’escalade des hostilités.
En effet, avec l’agression contre le Liban à la recherche des éléments de Hezbollah dont le chef Hassan Nasrallah a été tué, et la riposte de l’Iran, le champ de la bataille s’élargit progressivement. La crainte d’un embrasement généralisé au Moyen-Orient se fait de plus en plus pressante. Il y a risque imminent d’un conflit à grande échelle qui pourrait impliquer plusieurs acteurs régionaux et mettre en danger la paix et la sécurité internationale.
Il urge alors que les Etats membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU adoptent une nouvelle stratégie et prennent les mesures qui s’imposent pour un règlement correct et définitif de ce conflit dont tout le monde, sans hypocrisie, connait la solution.
Il est illusoire et irréaliste de croire que la sécurité d’Israël passe par l’élimination de Hamas et du Hezbollah. On a beau décimer tous leurs dirigeants et branches armées, détruire leurs arsenaux militaires et logistiques, on ne parviendra jamais à effacer de l’esprit des palestiniens de l’intérieur et de la diaspora, vieux et jeunes, la justice consistant à créer l’Etat souverain de la Palestine.
C’est la négation délibérée de cette justice qui constitue la raison d’être et les fondements de ces mouvements. A supposer que tous les combattants sont exterminés, leurs armements complètement détruits, on assisterait alors, non pas à une paix, mais plutôt une accalmie. En conséquence le problème de la sécurité dans la région, demeurera entier, intact.
La solution n’est donc pas militaire, comme l’ont prouvé les multiples évènements violents ayant jalonné ces sept dernières décennies ; elle est plutôt diplomatique. Il faudra poursuivre et actualiser les négociations du Camp David I et II, y compris celles d’Oslo de 1993, en vue de parvenir, sans plus tarder à la réalisation concrète de la solution à deux Etats permettant aux palestiniens de disposer au même titre que les Israéliens, d’un Etat souverain.
C’est la création de cet Etat et non l’usage des armes sophistiquées qui garantira la sécurité de l’Etat hébreux. Il est à espérer que les décideurs prendront en compte cette vérité qui est la clé de voûte de la paix dans cette région où le sang a assez coulé. Monsieur Mike Whitney a certainement raison lorsqu’il déclarait que : << Personne n’accuse Israël d’avoir répondu à l’attaque du 07 Octobre 2023, ce qu’on lui reproche c’est le bain de sang qui dure déjà 11 mois avec la réduction en ruine de 80% des structures de Gaza. Plus qu’une réponse acceptable au terrorisme, c’est un génocide >>. Voilà que le premier ministre Netanyahu qualifie de ‘’honte’’, l’appel du 5 Octobre du président Macron au sommet de l’OIF regroupant 88 pays, pour la cessation de la fourniture d’armes à Israël.
Jean-Pierre A. EDON, Ambassadeur
Spécialiste des questions internationales.