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Les marchands des nouveaux marchés construits à Cotonou mènent désormais leurs activités économiques dans un cadre plus moderne, sain et sécurisé. Mais derrière ce beau tableau se cachent de nombreuses difficultés et inquiétudes.
En plein cœur de Cotonou, non loin de l’église Notre-Dame se dresse le marché moderne de Ganhi. Inauguré en décembre 2024, le bâtiment érigé en un R+1 attire le regard de par sa couverture en forme de parapluie, faite de charpente métallique. Ce joyau architectural se distingue par son aspect moderne. Ici, les étals sont bien ordonnés.
Au moment de sillonner les allées propres et dégagées, un constat s’impose : le marché moderne de Ganhi peine à trouver sa clientèle. L’ambiance est morose. Sous le grand "Parapluie", quelques vendeuses, assises sur des tabourets devant leurs étals de fruits et légumes attendent encore leurs premiers clients de la journée.
Les revendeurs, majoritairement des femmes ont accueilli leur nouveau cadre de commerce avec joie, mais ne cachent pas leurs difficultés. « Je suis contente parce que le cadre est bien beau, mais nous ne vendons rien », confie en langue locale fon Léonie, une revendeuse de fruits au marché de Ganhi. Selon elle, certaines journées se terminent sans qu’elle ne vende un seul produit.
« Le gouvernement a bien fait de nous construire cet espace. C’est bien joli, mais on ne vend plus comme avant. Les gens croient qu’on a augmenté les prix des produits et ils choisissent de ne pas venir acheter », a indiqué une revendeuse de fruits sous anonymat.
Au marché Ganhi, les marchands des autres produits alimentaires et divers sont installés à l’étage. « Vous avez constaté vous-mêmes, personne ne vient ici acheter. Nous qui sommes à l’étage, on ne vend pas comme il faut. Quand je suis fatiguée, j’étale ma natte pour me reposer », a avoué dame Augustine.
Les motocyclistes doivent payer 200 FCFA et les automobilistes 500 FCFA pour le parking de Ganhi. « Les clients disent que c’est trop. Tout le monde dit qu’il n’y a pas d’argent dans le pays. Si les gens n’en ont pas, ils ne peuvent pas venir aussi acheter. Nous sommes là et nous nous remettons à Dieu », a ajouté dame Augustine.
Au niveau du marché moderne de Gbégamey ou encore celui de Wologuédé, le constat est quasi-identique : de magnifiques bâtiments flambant neuf, mais des ventes quasi-inexistantes. Pour Maurice, fils d’une revendeuse, les ventes ont baissé depuis que sa mère a intégré le nouveau marché de Gbégamey. « J’aide souvent ma mère pour vendre au marché. Depuis qu’on est venu ici, on ne vend plus comme avant. Ma maman a des clients fidèles qui viennent toujours faire les achats chez elle. Je crois que c’est ça qui nous sauve », a-t-il souligné.
L’attribution des places a été faite par tirage au sort. Certaines revendeuses du marché Ganhi ont obtenu des étals plus spacieux, tandis que d’autres se retrouvent avec des places exiguës. « Il est vrai que c’est par tirage au sort les étals ont été attribués. Moi, je me suis suis retrouvée avec ce petit espace. Je manque de place pour disposer toutes mes marchandises alors qu’il est interdit de mettre les produits au sol », a fait remarquer dame Victorine, vendeuse de fruits et légumes.
La pluie : une menace pour des nouveaux marchés
Des marchés modernes nouvellement construits se retrouvent submergés en cette saison pluvieuse. Le constat a été fait à Ganhi le lundi 31 mars 2025 où les agents d’entretien se mobilisaient pour évacuer l’eau stagnante des allées. Cette situation devient préoccupante en cette période pluvieuse, car les marchandises restent exposées à l’humidité et aux dégâts. « Je ne suis pas loin du marché donc je viens par moment faire des achats ici. Quand je suis venue, j’ai vu des agents qui étaient en train de faire l’entretien. Je suis étonnée de voir que les commerçants ne sont pas à l’abri dans ce nouveau marché. À l’étage aussi, j’ai constaté qu’il y avait de l’eau suite à la pluie d’hier nuit », a confié Solange Johnson, usager du marché de Ganhi.
Dans certains marchés comme celui de Gbégamey, les ouvriers sont intervenus pour colmater les brèches afin de limiter les dégâts de la pluie selon les témoignages recueillis sur les lieux. « Comment l’architecture a été faite pour que l’eau entre dans ces marchés. Les marchés modernes doivent permettre aux femmes de rester dans de meilleures conditions sans s’inquiéter de la pluie », a relevé Ludovic Ahyi, rencontré au marché de Gbégamey.
Des inquiétudes autour des redevances
Les redevances à payer par les occupants des marchés modernes ne sont pas encore fixées. Lors d’une séance d’échange avec les professionnels des médias le 21 juin 2024, le porte-parole du Gouvernement béninois a rassuré que les redevances seront à la portée des usagers. « Tout exquis fait, si on devait faire payer le juste prix rien que pour l’entretien et le fonctionnement de ces marchés, elles doivent payer en moyenne 18 000 FCFA. Mais, même dans les arbitrages que le gouvernement avait faits, il n’a pas atteint 18 000 FCFA », avait indiqué Wilfried Houngbédji.
Si pour l’instant, les occupants du marché de Ganhi selon leurs dires, ont bénéficié déjà de trois mois de gratuité depuis leur intégration, des rumeurs persistantes font état d’un tarif mensuel de 21.000 FCFA à venir, bien loin de la somme payée dans les anciens marchés. Une revendeuse de Ganhi a confié qu’elle payait 3.000 FCFA par mois.
« Normalement, le prix à payer devrait être connu en avril 2025. On espère que ce ne serait pas selon les rumeurs, car on ne pourra pas tenir », s’inquiète dame Victorine.
Les démarches que nous avions menées à l’endroit de l’Agence Nationale de Gestion des Marchés (ANaGeM) pour échanger sur les différentes préoccupations exposées par les marchands n’a pas eu de suite.
L’ouverture de ces nouveaux marchés constitue sans doute une avancée en matière d’urbanisme et de modernisation dans la capitale économique du Bénin.
Mais pour que ces lieux deviennent de véritables pôles commerciaux, les besoins, contraintes et réalités quotidiennes des marchands doivent être pris en compte dans les décisions des autorités.
Akpédjé Ayosso
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