1915 visiteurs en ce moment
Nous entrons en 2025 dans le centenaire de la naissance de Claude Meillassoux le 26 décembre 1925 à Roubaix en France. Le 2 janvier 2025 commémore également le 20ième anniversaire de son entrée dans l’ombre qui s’éclaire le 2 janvier 2005 à Paris.
Quelle qualification courte attribuer à Claude Meillassoux ? Celle d’anthropologue africaniste revient souvent. D’obédience marxiste ou néo-marxiste il est aussi fréquemment désigné comme le fondateur de l’anthropologie économique française. Le peu que je sais de Claude Meillassoux me semble suffisant pour évoquer une personnalité de grande conviction, de ceux dont l’œuvre peut impacter positivement et durablement la civilisation si un espace à la dimension de la vision portée par leur humanité leur est offert. Le lecteur s’informera à souhait sur ses années d’étude en France et aux Etats-Unis, ses activités à son retour en France dans la recherche et la formation entre autres au CNRS, à l’EPHE (Ecole Pratique des hautes études), par la suite l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), ses années sur le terrain en pays Gouro en Côte-d’Ivoire puis en territoires Soninké au Mali, sa participation active à des groupes de recherche et de réflexion sur les problématiques en cours au Sahel au début des années 1970. Le lecteur consultera avec profit des ouvrages remarquables qui émergent entre autres de ces périodes d’intense d’activité, notamment : 1) Anthropologie économique des Gouro de la Côte-d’Ivoire, 2) Femmes, greniers & capitaux, 3) Anthropologie de l’esclavage et la contribution collective : 4) Qui se nourrit de la famine au Sahel, titre qui lui a valu bien d’inimitiés caractérisées dans les sphères de pouvoir. Du reste, au-delà des cercles de pouvoir, l’inimitié ou la distanciation de nombre de ses pairs est familière à l’intellectuel aux prises de position sans ambiguïté comme s’affirma Claude Meillassoux.
Comment l’œuvre de Claude Meillassoux est-t-elle entrée dans mon champ d’exploration ? Au début des années 1990 notre génération, celle née autour des indépendances, munie d’outils et de bagages intellectuels divers cherchait les voies vers sa contribution à l’édification de nos nations africaines confrontées à toutes sortes de défis d’ordres endogènes, exogènes, historiques, aléatoires etc. Des penseurs tels que Joseph Ki-Zerbo, René Dumont, Cheick Anta Diop, Samir Amin, Guy Belloncle, Jean-Marc Ela, Catherine Coquery-Vidrovitch, Georges Balandier, Claude Meillassoux et tant d’autres étaient devant nos radars.
La providence si je puis ainsi dire, m’a offert l’unique occasion au milieu des années 1990 de rencontrer Claude Meillassoux au cours d’un entretien auquel m’avait convié le Président de l’association ICAD (Imaginer et Construire l’Afrique de Demain) qui avait invité Claude à Lausanne pour échanger et j’imagine s’instruire de son expérience, de sa science, de ses idées. Bien que son nom et sa sphère d’activité m’étaient déjà connus j’ignorais réellement la dimension de l’œuvre de Claude Meillassoux. A vrai dire je l’ai encore peu explorée jusqu’aujourd’hui comme si ce que j’ai pu percevoir de cette dimension au cours des trois ou quatre heures de participation à cet entretien à Lausanne était suffisant pour me dispenser d’investiguer davantage, d’approfondir l’étendue de son œuvre. Outre les enseignements offerts avec simplicité par Claude et les pistes de réflexion qu’il a ouvertes, un fil d’ariane fort se dégageait : celui d’une personnalité calmement et résolument tendue contre toute forme de domination, d’exploitation, à la recherche d’un socle commun à l’humain qui tient compte du respect de la multiplicité des identités ; bâtisseur d’une œuvre intellectuelle et de terrain, chevillée à l’humain et à la société.
Pourquoi évoquer l’œuvre de Claude Meillassoux de nos jours, une vingtaine d’années après sa mort ? Avant de situer en guise de conclusion ouverte ma perception à ce sujet, en plus des archives du fonds Claude Meillassoux répérables à l’Humathèque Condorcet à Paris, je tiens à inviter le lecteur à consulter ne serait-ce que trois textes simples d’auteurs qui connaissent mieux et de près l’homme et son œuvre pour s’en imprégner un tant soit peu. La première référence est signée par Emmanuel Terray publiée en 2005 dans le journal des anthropologues, la seconde référence est signée par Yaya Sy publiée en 2007 et la troisième est de Jean Copans publiée en 2005 dans les cahiers d’étude africaine.
https://doi.org/10.4000/jda.1453
Hommage à Claude Meillassoux par Yaya SY - Soninkara.com, le portail du peuple Soninké
https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.4887
Le lecteur qui aura parcouru quelque peu les vestiges de l’œuvre de Claude Meillassoux a sans nul doute appréhendé autant la vocation africaniste que l’essence intemporelle de son adresse à l’homme pris dans la société comme fondateur, acteur et sujet de civilisation ainsi que les responsabilités qui en découlent comme lui-même a su les assumer pour l’exemple tout le long de sa vie engagée. Me référant à la dimension africaniste de l’œuvre de Claude Meillassoux, je voudrais évoquer une figure historique dont l’année 2025 marque également la commémoration du centenaire. Il s’agit du leader de l’indépendance du Congo Patrice Emery Lumumba, aîné de six mois de Claude Meillassoux. Patrice Lumumba dans la lettre testament adressée à sa compagne Pauline Opango Lumumba, écrivait en 1961 en prison : « L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité. »
A ce point je voudrais relever la conclusion de l’article d’Emmanuel Terray cité en première référence, notamment sa mise en relief de la conclusion de Claude Meillassoux au livre collectif édité par Marc-Henri Piault en 1987, Colonisation : rupture ou parenthèse ?
En revisitant l’histoire et l’actualité, il y a indéniablement urgence à construire tous ensemble un présent et un futur de l’humanité, de plus en plus expurgés des formes diverses de domination, de mieux en mieux régénérés par des rapports de fraternité, de solidarité, de coopération.
La réécriture de l’histoire appelle souvent le démontage de certaines statues pour en ériger d’autres à la place, l’effacement de certaines icônes pour en peindre d’autres.
Claude Meillassoux a œuvré durant 44 ans après la mort de Lumumba en véritable relieur de civilisations, de rives. Un destin d’homme pont, d’homme pilier. J’exprime cela pour conclure que la mémoire des hommes et femmes, quelles que soient leurs origines, qui, comme Meillassoux ont choisi d’œuvrer sans concession pour la dignité de l’homme, s’inscrit de facto en bonne place avec leur haute stature dans la réécriture de l’histoire telle que le préfigurait Lumumba. Puissent les générations se souvenir de leurs engagements et leur rendre en tout lieu les hommages mérités.
G. Théophile Nouatin
Références :
MEILLASSOUX Claude, Albert - Maitron
Fonds Claude Meillassoux (FranceArchives)