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L’érotisme chez l’écrivain béninois Djamile Mama Gao : une trajectoire en nuances de tons




Depuis son entrée en littérature en 2014, Djamile Mama Gao s’impose comme une figure singulière dans le paysage francophone. Là où beaucoup d’écrivains africains abordent l’érotisme par fragments, métaphores ou dissimulations, il choisit de le placer au centre même de son projet littéraire. Son parcours s’organise en plusieurs jalons majeurs : Corps-raccords (2014), Le calepin d’une vicieuse (2020), Le carnet intime d’un coquin (2023) et En mâle d’émotions (2025). Chacun de ses ouvrages redéfinit les postures du désir et déplace les lignes de la représentation, tout en assumant la complexité du contexte culturel africain, où l’expression explicite du désir demeure souvent contrainte par des tabous sociaux et moraux.

Corps-raccords : l’érotisme au masculin

Avec Corps-raccords, Djamile Mama Gao inaugure un espace où le désir masculin se dit frontalement, à travers ses pulsions, ses submersions et ses intensités. L’écriture s’y déploie dans une veine passionnelle, parfois entrecoupée, où la recherche de l’autre corps passe par l’affirmation de sa propre énergie vive. Le texte épouse la logique d’une mise en tension : tension des chairs, tension des mots, tension d’un regard qui désire. Cet ouvrage posait ainsi une première pierre : l’érotisme y devient axe structurant d’un récit poétique de la quête charnelle de l’autre.
Dans le contexte africain, cette démarche revêt une dimension particulière. Elle tranche avec une tradition littéraire souvent plus allusive, où l’érotisme reste discret, masqué derrière l’imaginaire du paysage ou des symboles. Djamile Mama Gao s’autorise une parole déliée, qui assume le masculin dans ses appétits, ses fragilités et ses fougues.

Le calepin d’une vicieuse : déplacer le regard

Six ans plus tard, Le calepin d’une vicieuse marque un tournant. Djamile Mama Gao abandonne la voix masculine pour se placer dans la peau d’une femme qui écrit son désir, dans une langue crue et assumée. Ce déplacement de focalisation est décisif. Là où Corps-raccords posait un “je” masculin, Djamile Mama Gao choisit désormais d’habiter une subjectivité féminine. L’écriture se fait voix d’une femme qui n’esquive pas ses pulsions, qui revendique son plaisir, qui affirme sa liberté sexuelle dans une société où ce discours est encore largement contrôlé, voire stigmatisé.
Ce livre, diffusé largement en Afrique et au-delà, a fonctionné comme une rupture dans la réception : il révélait la capacité d’un écrivain homme à écrire depuis un regard féminin sans tomber dans la caricature. Djamile Mama Gao y explore l’érotisme comme un espace de projection identitaire et politique. Dire le désir féminin devient un acte de contestation, dans un contexte où la sexualité des femmes est souvent réprimée, limitée au silence ou au secret.

Le carnet intime d’un coquin : recentrer le sensible masculin

Dans cette œuvre Djamile Mama Gao propose une approche de la sexualité masculine, centrée sur un sensible réceptif, patient, et verbal. Le narrateur est un homme qui regarde, écoute, ressent, mais aussi dialogue, rituelise et savoure autrement, retranscrivant ainsi la masculinité dans ses dimensions sensibles et émotionnelles. Il y déploie une écriture minutieuse, presque tactile, où le sens du détail sensoriel est porté à la conscience, qu’il s’agisse du toucher, de l’odeur, du souffle ou du goût. Le vocabulaire est chargé de douceur et d’intensité. La sensualité en devient presque une expérience immersive, où le lecteur est invité à ressentir l’éveil progressif des sens. Le plaisir dans « Le carnet intime d’un coquin » de Djamile Mama Gao n’est nullement pensé comme une conquête mais à la manière d’un voyage partagé, un échange d’énergie qui fait vibrer les corps et les esprits. L’écrivain béninois l’explore avec une liberté joyeuse et poétique. La sexualité est multiple, fluide, nourrie par la fantaisie, la douceur, la fougue et la tendresse. Ce portrait d’un masculin ouvert à la diversité des expériences érotiques déconstruit les normes rigides et propose un modèle où le plaisir se conjugue avec l’écoute et le respect.

En mâle d’émotions : l’équilibre des polarités

Avec En mâle d’émotions, Djamile Mama Gao ne choisit pas entre ses deux précédentes postures : il les confronte. Le livre se présente comme une hybridation, où ses textes dialoguent avec les photographies de Cécile Quenum. Mais au-delà de l’aspect visuel, il s’agit surtout d’un projet d’équilibrage. L’écrivain adopte une voix féminine désirant des corps masculins, tout en inscrivant ce geste dans une continuité où la parole du masculin et celle du féminin ne s’opposent plus, mais se répondent.
Ce travail marque une volonté d’élargir le champ de l’érotisme en littérature. Djamile Mama Gao interroge la fluidité des positions de désir : qui regarde qui, qui désire qui, et depuis quel corps de langage ? Il montre que l’érotisme ne se réduit pas à un rapport fixe entre masculin et féminin, mais qu’il s’invente dans la réversibilité des regards. L’homme qui écrit devient ainsi porte-voix d’un désir féminin sur des corps d’hommes, en assumant l’ambivalence de cette posture.

Une approche holistique de l’érotisme

Pris ensemble, ces quatre ouvrages composent un cheminement qui se saisit de l’écriture érotique pour proposer une véritable réflexion littéraire sur le désir. L’écrivain Djamile Mama Gao traite donc l’érotisme comme un prisme pour interroger la langue, la subjectivité et les rapports sociaux de genre. Sa démarche est holistique : elle ne sépare pas le corps du langage, ni le plaisir du contexte culturel.
Dans le champ africain, cette écriture se situe à rebours des discours normatifs. Elle questionne la place accordée au plaisir, au corps, à la sexualité, au sexe dans des sociétés où la parole sur ces sujets reste souvent enfermée par des héritages moraux, religieux ou politiques. Djamile Mama Gao ose donner au désir un statut littéraire légitime, en le considérant comme un matériau de pensée et d’esthétique.

Une littérature du déplacement

De Corps-raccords à En mâle d’émotions, en passant par Le calepin d’une vicieuse et Le carnet intime d’un coquin, Djamile Mama Gao construit une œuvre qui ne cesse de se déplacer : du masculin au féminin, de la frontalité à l’hybridation, de l’individuel au collectif. Chacun de ses livres explore une polarité différente, et ensemble, ils esquissent une carte complexe de l’érotisme en littérature francophone contemporaine.
L’écrivain ne cherche pas à figer le désir, mais à en montrer les mouvements, les métamorphoses, les tensions. En cela, son travail apporte une contribution singulière à la littérature africaine : il fait de l’érotisme un terrain critique, un espace de redéfinition des imaginaires, et un lieu où se rejoue sans cesse l’équilibre entre le corps, la langue, l’intime et le monde.

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