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A Houéyiho 1 dans le 11è arrondissement de Cotonou, plusieurs lots, environ 15 hectares, sont déclarés d’utilité publique. Résidences, commerces, une école, un temple vodun... tous seront bientôt rasés pour faire place à une nouvelle gare routière. Derrière la décision municipale, c’est une douleur discrète qui submerge les habitants du quartier.
A l’entrée d’une maison du lot 1978 de Houéyiho 1 ce vendredi 2 mai 2025, est assis un homme aux cheveux grisonnants. L’homme âgé de 85 ans a acquis cette parcelle en zone inondable pendant la période coloniale. Mais ce lot et plusieurs autres du quartier seront bientôt rasés, selon un arrêté de la mairie de Cotonou en date de 25 septembre 2024. Comme un couperet, la nouvelle de l’expropriation parvient aux habitants cinq mois après.
« Le 4 février 2025, le gongonneur (crieur public, NDLR) a annoncé qu’on devait se rendre à l’arrondissement. Là-bas, on nous a expliqué le projet. Mais pourquoi ne pas nous avoir informés avant ? Pourquoi ne pas nous avoir consultés ? Tout ça est tellement brusque », se désole Bidossessi, la fille d’un des propriétaires de terrain dans le secteur exproprié.
Certains propriétaires ont reçu par voie d’huissier la notification de l’arrêté municipal portant déclaration d’utilité publique du site retenu pour la construction de la gare routière. Pour d’autres habitants, comme Serge (nom d’emprunt), gérant d’un petit restaurant dans le secteur concerné, la situation est encore floue. Son bailleur ne l’a pas encore informé. « Moi, on ne m’a rien dit. Je n’ai reçu aucun avis officiel, pas même une lettre. Je n’ai entendu parler de ce projet que par les rumeurs. Qu’est-ce que je vais devenir si c’est vrai ? », confie-t-il visiblement inquiet.
« On doit penser également à la paix sociale »
Les propriétaires de terrain ont été invités à l’arrondissement pour les formalités de dédommagement, selon leurs dires. Mais pour eux, il ne s’agit pas uniquement de question d’argent. Le fondateur d’une école privée dans la zone, installé depuis plus de vingt ans, parle avec amertume. « J’ai un titre foncier ici depuis 2013, j’ai vidé ma famille de la maison pour y faire école (…). On me demande de fermer ce qui me nourrit et que je serai dédommagé. Je n’ai pas de problème avec l’argent. Mais mon problème, c’est l’école, les enfants, le personnel. Où vais-je les envoyer ? Acheter une parcelle aujourd’hui, c’est compliqué, et même si je pouvais, déplacer l’école, ce n’est pas comme ça. Il faut des autorisations, il faut du temps », se lamente-t-il.
Le vieil homme du lot 1978 s’interroge sur ce qu’il pourra faire avec l’indemnité qui lui sera versée dans un contexte économique où les matériaux sont hors de prix ? Il doute d’autant plus qu’il est un chauffeur qui a cessé toute activité. « J’ai consacré ma vie à cette maison. J’ai élevé mes enfants ici. Combien vais-je recevoir pour reconstruire ma maison ? Ce n’est pas qu’une question d’argent. J’ai dépensé beaucoup pour rendre cette parcelle habitable. C’est une zone où l’eau arrivait jusqu’au nombril en saison des pluies », se rappelle-t-il le souvenir encore vivace.
Pour Bidossessi, le quartier n’est pas qu’un simple ensemble de parcelles, mais un lieu chargé de souvenirs, d’émotions et d’attachements profonds. « Force reste à la loi mais on doit penser également à la paix sociale », suggère-t-elle.
La nouvelle gare routière facilitera le transport interurbain et permettra de désengorger la ville de Cotonou.
Marc MENSAH
Vue partielle de quelques parcelles de la zone
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